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02/10/2025

Au Brésil,  une « occupation » des paysans sans terre

Textes et photos : Jean-François Bourblanc


Dans cette «occupation» (acampamento) de Caruaru, au Nordeste du Brésil, un groupe de paysannes et de paysans se prépare à créer leur village de la réforme agraire. Nous (1) sommes accueillis par une douzaine de membres du groupe. Rencontres.


Uma ocupação do Movimento Sem Terra no Brasil.
Para ler o artigo em português, clique aqui.

Dans cette première étape, chaque famille dispose de 250 m2 où elle cultive des fruits et légumes.

Six hectares pour une famille
 
L'acampamento « José Marlucio » à Caruaru s'étend sur 450 hectares. Il a pour objectif de réunir, à terme,  55 familles dans un village de la réforme agraire (assentamento). A ce jour de février, il reste encore des possibilités pour des familles intéressées. Pour être candidat, il n'est pas obligatoire d'avoir travaillé sur une exploitation agricole. Des demandeurs d'emplois de quartiers des villes peuvent se présenter. Ils sont choisis sur des critères de compatibilité avec les valeurs du Mouvement des sans-terre (MST). L'acampamento est une occupation de terres inutilisées des grandes exploitations agricoles.

Un mélange de plantes

Chaque famille pourra ainsi  cultiver environ 6 hectares car 20 % de la superficie seront cultivés en commun. Ce vendredi 7 février 2025, ils détiennent des documents leur attribuant les terres mais ils ne disposent pas encore des droits à utiliser toutes les terres. Arrivés, il y a deux ans sur ce territoire, ils en ont été chassés et y sont de retour depuis quatre mois. 
Aujourd'hui, chaque famille dispose de 250 m2 sur lesquels elle cultive des fruits et légumes. Elle peut aussi y construire un abri : c'est davantage une cabane qu'une maison. Plusieurs gardent leur ancien logement mais peuvent aussi se loger ici, y vivre le jour, faire la cuisine et pour certains y dormir la nuit. Le campement est occupé tous les jours et toute la journée, par précaution. Quand ils auront les documents définitifs, ils pourront construire leur village.  

C’est d’abord une agriculture vivrière et de subsistance éparpillée sur des défrichements récents.

Des occupations légales

Elias, l'un des coordinateurs du groupe, nous commente une visite des plantations déjà réalisées à proximité du campement. C’est d’abord une agriculture vivrière et de subsistance éparpillée sur des défrichements récents : courges, haricots... Les surfaces cultivées sont fort différentes des cultures classiques en France. C'est d'avantage de l'agroforesterie où sont mélangées plusieurs espèces. Ainsi, le maïs côtoie-t-il le manioc...

A terme, ils envisagent du maraîchage, des cultures comme le maïs ou le coton et, en élevage, des vaches, des bœufs, des chèvres. Quelques vaches paissent déjà sur leur terrain.  Ils ont aussi un projet d'énergie solaire et de pompes pour irriguer les cultures .
En ce moment, ce groupe de familles dépend totalement du MST qui leur procure une aide pour vivre. Leur défi : la qualité de vie des habitants, de chaque famille.

Quelques uns peuvent se loger ici, y vivre le jour, faire la cuisine.

La résistance des paysans sans-terre

Ces occupations sont permises par la constitution brésilienne mais de nombreux propriétaires fonciers les contestent, parfois très violemment. José Marlucio, militant des Sans-terre (2), a été assassiné par la police en avril 2001 à Récife et, très souvent au Brésil, des milices privées attaquent les occupations de terre. L’article 184 de la constitution brésilienne de 1988 exige que la propriété rurale remplisse une fonction sociale, qu'elle soit productive et respecte les droits du travail et de l’environnement. L’État a le droit d’exproprier les propriétés foncières qui ne répondent pas à ces critères. Il doit, en contrepartie, indemniser le propriétaire avant de transférer le titre de propriété au domaine public ou d’accorder des droits fonciers aux familles sans-terre qui s’y installent. Le Mouvement des sans-terre tente de faire appliquer cette loi en occupant dans un premier temps les terres non travaillées, par des acampamento.

Le domaine que nous visitons était une grande exploitation de coton abandonnée depuis 40 ans suite à la destruction de la plante par un parasite et à la faillite du propriétaire. L'un des  objectifs du MST est l’organisation et l’éducation des travailleurs ruraux sans-terre : alphabétisation puis formation politique et militante des jeunes et des adultes. Il tente aussi d'assurer l'égalité des hommes et des femmes dans les responsabilités du mouvement.

Le dernier stade, l'assentamento, est un village légal. Les familles possèdent alors des documents qui attestent le droit d'usage des terres où se construisent des villages de la réforme agraire. L'un des plus grands du Brésil est l'assentamento Catalunya, créé en 1999 à l'Ouest de l’État du Pernambouc (Santa Maria da Boa Vista) : il réunit 600 familles. Avec l'autre assentamento plus récent « Catalunya 2 » (400 familles), ils comptent tous deux plus de 5000 personnes.


(1) Thérèse, Fanchette, Pierre et Jean-François,  quatre voyageurs accompagnés de notre ami Roger qui  assure la traduction. Cette rencontre à Caruaru a été possible grâce à Nildo Martins (MST Caruaru),  Amanda Samarcos et au Collectif Brésil à Rennes.

(2) Jaime Amorim, coordinateur du MST de l'Etat du Pernambouc, explique : « José Manuel Lúcio était un homme sans-terre qui occupait une ferme dans la municipalité de Surubim en 2001, juste ici près de Caruaru. Il était au chômage et s'est lancé dans le métier. Il rêvait  à nouveau de pouvoir vivre, d’avoir sa propre terre, de pouvoir produire. Malheureusement, il  a été assassiné, avant qu'il puisse obtenir son autorisation définitive ».
 

Cette occupation est, pour le moment,  un campement, avant que les familles puissent construire leur village.


Un groupe d'une douzaine de paysannes et paysans ont accueilli les voyageurs français.


Caruaru, (une agglomération de 400 000 habitants ) au Nordeste du Brésil, est à 130 km de Récife et 2000 km de la capitale Brasilia.



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